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Espace privé SPIP

La Muse (Arai Kesava Naidu)

Tirage pigmentaire sur papier coton
cadre
(2016)
Ed. 5+1AP


Araï la Muse/le Sujet

La Muse/le Sujet est une double série de photographies du modèle Araï Kesava Naidu, une femme issue de la caste des Dalits qui a gagné sa vie en étant modèle pour des artistes. Dans la première série : (la Muse), Araï, nue, refait de mémoire les poses qu’elle avait tenu pour de nombreux peintres de la modernité indienne. Dans la seconde série : (le Sujet), on la voit visiter le musée d’Art Moderne de Bombay pour la première fois de sa vie.

Le contexte :

J’ai rencontré Araï lors d’un workshop à la J.J. School of Art de Bombay en vue d’une exposition à Clark house intitulée Liberty Taken (apart), qui peut se traduire par la Liberté démembrée mais qui joue sur l’expression « prendre la liberté de… » .

Durant cet atelier, il était question de travailler sur les sculptures de l’espace public de la ville de Bombay. Ce patrimoine sculpté se partage entre héritage du passé colonial, et des monuments plus récents célébrant des événements ou des figures liés à l’indépendance et d’autres hommes politiques moderne. Chaque sculpture est évidemment chargée d’un sous texte politique plus ou moins perceptible. Au volume physique de la sculpture répond aussi une coordonnée symbolique disposée selon trois dimensions : La première comprend ce que représente la sculpture, la seconde l’endroit où elle est placée dans la ville et la troisième concerne les commanditaires de l’œuvre.

J’ai demandé au étudiants du département volume qui suivent un cursus très classique, d’imaginer qu’il y ait demain en Inde une révolution et que, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’événement, on s’en prenne aux monuments en raison de leur charge symbolique.

Les étudiants devaient copier en pierre les fragment qu’ils sauveraient de la destruction.

pour préparer ce workshop, nous avons organisé une visite qui nous a conduit du Crawford Market à l’India Gate afin de raconter l’histoire des sculptures que nous trouvions sur notre parcourt. Lors de cette déambulation dans l’espace public, initiée par Sumesh Sharma, il a été question de la modernité artistique indienne. Comment elle avait accompagné l’indépendance et comment elle continuait aujourd’hui de véhiculer des valeurs positives. Cette foi en le Modernisme, qui continue d’irriguer une bonne partie des productions artistiques indiennes contemporaine, est en décalage avec l’histoire de l’art occidentale et le tournant Postmoderne qu’elle a connu dans les années 70-80.

Quand m’a présenté Araï qui, à soixante-dix ans continue de poser pour les étudiants de la J.J. School of Art Sumesh, l’idée a germé de la photographier comme une mémoire de cette modernité indienne. En effet, Araï a derrière elle une longue carrière de modèle. Elle a posé pour de nombreux peintres dont les tableaux ornent aujourd’hui les cimaises des musées indiens.

Les images de cette série sont des photographies d’Araï qui exécute de mémoire les poses qu’elle avait réalisée à la demande des peintres modernes. La séance de pose s’est faite classiquement avec un groupe d’étudiants qui dessinaient pendant que je la photographiais : Il était important qu’il y ait une durée des postures, une tension.

Alors que la première série documente un corps et dresse des parallèle entre l’âge de celui-ci et l’éloignement historique de la Modernité qui l’a utilisé comme source d’inspiration, la secondé série documente un événement : Araï visitant la collection d’Art Moderne du Musée de Bombay. On la voit donc qui déambule devant les tableaux de peintres pour lesquels elle a posé. Il se trouve que c’est la première fois de sa vie qu’elle allait au musée.
C’est cet événement précis que les images documentent. Araï, témoins anonyme de la modernité picturale indienne circulant parmi des œuvres qui sont autant de jalons d’une Histoire de l’Art qui n’a pas retenu son nom.
Cette seconde série fait l’objet d’un encadrement particulier. En effet, le passe partout de chaque cadre est disposé de façon à ce qu’Araï soit toujours au centre de l’encadrement, la fenêtre qui contient le tirage flotte donc légèrement à droite ou à gauche en fonction des images.

Ces deux séries constituent un portrait d’Araï, Elle est à la fois ce corps rompu aux longues poses en atelier qui a servi de modèle aux peintres modernes indien et cette personne découvrant soudain l’endroit de toiles dont elle n’avait vu que l’envers.