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Espace privé SPIP

Gros Titres

Chez Samuel Gassmann Paris
1, rue Charlemagne, Paris 4e
Vernissage : le 06 ocotbre à 18h.
Accrochage visible du 06 Octobre 2023 au 08 janvier 2024.

Un accrochage des nouvelles pièces de la série Mme. Hanska


Ewelina Hanska a été la correspondante, la maitresse puis la femme d’Honoré de Balzac. C’est pour elle qu’il fit ce célèbre portrait daguerréotype qui le montre en chemise. On connait la théorie de Balzac sur la photographie qui voudrait que chaque portrait capturé par la chambre noire prélève un spectre : une épaisseur d’apparence qui constituerait notre image à la façon des multiples peaux d’un oignon.
Comme le rappel Nadar dans ses mémoires « Donc, selon Balzac, chaque corps dans la nature se trouve composé d’une série de spectres, en couches superposées à l’infini, foliacées en pellicules infinitésimales, dans tous les sens où l’optique perçoit ce corps. (…) Chaque opération daguerrienne venait donc surprendre, détachait et retenait en se l’appliquant une des couches du corps objecté. De là pour ledit corps, et à chaque opération renouvelée, perte évidente d’un de ses spectres, c’est-à-dire d’une part de son essence constitutive.  »

Les objets de la série de posters Mme Hanska dessinent un « portrait chinois » de l’artiste Aurélien Mole. Ils témoignent de son intérêt pour des objets spécifiques qui entrent en écho avec le temps présent. Ces objets sont photographiés sur un fond neutre éclairés par des écrans d’ordinateur ou de tablette.

Ici, il s’agit d’un repose tête de fumerie d’opium en forme de chat. Un trou sur la croupe de l’animal permet de le remplir d’eau chaude afin d’augmenter le confort de celui qui, allongé, suit le cours de ses rêveries enfumées. Le chat a colonisé nos intérieurs tout autant qu’Internet, il est un des memes les plus communément utilisés.

Là, un modèle réduit de la Jamais contente, première automobile à dépasser la barre symbolique des 100km/h en date du 29 avril 1899. Ce jour-là, on l’imagine pétaradante, en train de filer à une vitesse incroyable sur la plaine d’Achères dans les Yvelines. Sa forme d’obus rompant définitivement avec celles des carrioles tractées par des chevaux, en associant l’imaginaire technologique guerrier aux premiers développements de l’automobile. En vérité, ce nouveau record de vitesse se fit dans un quasi silence : la Jamais contente étant une voiture électrique. Une technologie rapidement supplantée par le moteur à explosion.

Enfin, une pédale d’effet pour guitare électrique de marque Harley Benton. Il s’agit d’un delay, qui permet au musicien de créer de courtes boucles de son à la façon d’un écho. Les réglages permettent de moduler la vitesse de répétition, le volume de celle-ci et de contrôler son atténuation dans le temps. Employer cet effet oblige le musicien à jouer en miroir. Sachant que le son va lui être immédiatement renvoyé, il doit créer des harmonies et des dissonances dont il doit anticiper l’empilement. Dans le contexte d’une musique jouée live, le delay introduit une courte mémoire des sons passés qui perturbe ou enrichit le moment présent de la performance.

Tous ces objets ont été chinés en ligne et, par conséquent, ont laissé des traces qui sont autant de fragments d’un portrait de l’artiste en consommateur. Ces fragments sont compilés pour dessiner un horizon des centres d’intérêts commerciaux qui permettent à certaines marques de cibler plus précisément la personne à laquelle elles cherchent à vendre leur produit. On appelle « cookie » ces morceaux de codes qui permettent de pister les navigations de tout un chacun. En hommage à Balzac, on aurait tout aussi bien pu les appeler « spectres ».

Si on est attentif, on distingue sous le poster la présence de silhouettes, ce sont des contre-formes fragmentaires des logos de ces entreprises du numérique qui collectent amoureusement nos spectres. Tout comme Ewelina Hanska conserva sous forme d’un daguerréotype, celui d’Honoré de Balzac.